3 août 2017
Objet : Besoin urgent d’un processus clair et de résultats scientifiques pour appuyer le rétablissement du caribou
Madame, Monsieur,
Au nom des grandes compagnies forestières du Canada et des 230 000 personnes que le secteur emploie dans des centaines de localités partout au pays, je vous fais parvenir ce message urgent pour demander que le gouvernement fédéral réfléchisse sérieusement à la possibilité d’adapter les procédures et l’échéancier de sa Stratégie sur le rétablissement du caribou afin d’établir d’une voie plus équilibrée et durable pour tous.
Nous croyons que le processus actuel pourrait menacer des milliers d’emplois et le bien-être de centaines de collectivités sans atteindre les objectifs du rétablissement du caribou.
Dans certaines provinces, nous pensons que le processus actuel préconisé par le fédéral donne lieu à une situation où des plans par aire de répartition incomplets et inefficaces sont élaborés et pourraient causer des dommages involontaires. Nous vous demandons aujourd’hui que le gouvernement reconsidère les processus associés à la stratégie afin de prendre en compte les données scientifiques et les impacts socioéconomiques les plus récents.
À moins que l’approche actuelle soit modifiée, les résultats positifs que nous cherchons tous à obtenir pour le caribou ne seront pas de la partie et un certain nombre d’activités forestières durables seront menacées, tout comme les emplois bien rémunérés qu’elles offrent au Canada rural et nordique.
Comme vous le savez, notre secteur est fier des avantages environnementaux que nous procurons chaque jour. En effet, les plans d’aménagement forestier détaillés que nos entreprises élaborent et mettent en œuvre à l’échelle provinciale sont conçus pour appuyer la biodiversité et nos pratiques de récolte sont adaptées à la réalité unique de chaque parcelle de forêt.
C’est avec cette vaste expérience que nous communiquons aujourd’hui avec vous de toute urgence.
Des plans de rétablissement du caribou encore incomplets; une expérience risquée qui menace des milliers d’emplois
Le caribou est une espèce emblématique et les Canadiens veulent être certains que toutes les mesures raisonnables sont prises pour l’aider à se rétablir. Depuis que le caribou a été désigné en voie de disparition, notre industrie a beaucoup investi partout au pays dans des programmes qui visent à mieux comprendre pourquoi certaines hardes périclitent. Nous croyons que les solutions doivent avoir une base scientifique et avons donc appuyé directement, au fil des années, une gamme d’initiatives en partenariat avec des chercheurs réputés, des groupes environnementaux et des partenaires des collectivités. Il s’agit notamment de programmes de pose de colliers émetteurs, d’initiatives de maintien des femelles gestantes en enclos et de nombreuses autres activités de recherche et opérationnelles pour soutenir les populations de caribou au pays.
Selon le plan d’action fédéral actuel pour le rétablissement de l’espèce, il n’y a pas de mécanisme clair et uniforme permettant aux provinces de tenir compte de toutes ces recherches dans l’élaboration de leurs plans. Elles doivent plutôt respecter les seuils de perturbation et de zones tampons établis dans le plan fédéral, ce qui limite la souplesse des prises de décisions locales et risque, dans bien des cas, d’interdire inutilement l’accès à de vastes étendues de forêt. Si nous suivons cette voie, nous ne pouvons garantir que les populations de caribou se redresseront. Nous savons cependant que la vie de milliers de Canadiens des régions rurales et nordiques en subira les impacts. En résumé, nous croyons que le processus actuel doit être réajusté au profit de toutes les parties prenantes.
À cet effet, nous croyons qu’il serait dans l’intérêt de tous les Canadiens que le gouvernement examine le processus actuel et modifie les facteurs pris en compte dans la Stratégie de rétablissement du caribou pour inclure les recherches et les expériences les plus récentes ainsi que les impacts socioéconomiques de tous les changements proposés.
Un réseau complexe de facteurs en jeu
Dans le contexte de l’élaboration de cette politique, il importe de rappeler que l’activité humaine n’est qu’un facteur parmi un réseau complexe qui contribue à la santé globale des forêts. Il est essentiel que le gouvernement fonde ses décisions quant au rétablissement du caribou sur une évaluation scientifique complète de toutes les causes du déclin de l’espèce, des perturbations humaines et naturelles aux changements climatiques, à la prédation, aux pathogènes et aux maladies.
Des recherches récentes montrent que d’autres facteurs que les perturbations humaines et naturelles terrestres ont un effet clair sur les populations de caribou au Canada. Nous avons constaté une augmentation des populations dans des régions comme le Lac-Saint-Jean, au Québec, où le niveau de perturbation est relativement élevé. Une autre étude réalisée dans le nord du Labrador montre que les populations de caribou diminuent considérablement, malgré un taux de perturbation parmi les plus faibles au Canada. Des résultats similaires sont obtenus dans les parcs nationaux de Banff et de Jasper, où il n’y a pas d’activité industrielle, mais où les populations de caribou chutent.
Bien que nous soyons heureux de voir le gouvernement considérer les plans par aire de répartition des provinces comme des plans qui « pourraient être adoptés au fil du temps » dans son rSommaire du plan d’action visant le caribou des bois publié la semaine dernière, nous demeurons préoccupés par le fait que l’absence d’orientation claire du gouvernement fédéral sur la nécessité de considérer tous les facteurs qui contribuent au déclin des populations de caribou mène à une planification incomplète et inexacte à l’échelle provinciale.
Une mauvaise interprétation nuit au progrès; des initiatives à long terme suscitent de l’espoir
L’un des sujets de désaccord les plus préoccupants est l’orientation fédérale relative à un seuil 65/35 de non-perturbation/perturbation, que certaines provinces ont interprété comme une norme absolue plutôt que comme un guide à adapter aux conditions régionales. Il n’y a pas deux régions identiques au pays et l’application à grande échelle de ce modèle rend difficile l’obtention des meilleurs résultats à l’échelle locale. De plus, comme les conséquences économiques de ce seuil sont maintenant mieux connues, nous recommandons fortement que cette disposition, qui était basée sur une modélisation désuète, soit raffinée. Il y a quelques semaines, nous avons présenté au personnel de haut niveau du Service canadien de la faune un justificatif détaillé expliquant pourquoi la formule 65/35 ne fonctionne tout simplement pas partout. Nous vous demandons très respectueusement d’offrir une flexibilité dans son application à l’échelle provinciale.
Nous sommes réellement déterminés à continuer à collaborer avec les gouvernements provinciaux, les localités forestières, les partenaires autochtones et des groupes multipartites pour créer des plans scientifiques de rétablissement du caribou efficaces qui respectent les conditions locales. Et nous serons heureux de contribuer au consortium national du savoir sur le caribou boréal, que le gouvernement fédéral est en voie de créer.
LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DOIT REPENSER, CONJOINTEMENT AVEC LES PROVINCES, LES DATES LIMITES POUR LES PLANS PAR AIRE DE RÉPARTITION OU TENIR UNE CONFÉRENCE NATIONALE POUR ÉVALUER SOIGNEUSEMENT L’ÉTAT ACTUEL DE LA STRATÉGIE DE RÉTABLISSEMENT ET LES RISQUES POSSIBLES. l’ÉVALUATION DES IMPACTS EST AUSSI NÉCESSAIRE.
Nous espérons que le gouvernement fédéral entreprenne sans délai un examen du processus actuel afin que les provinces n’aillent pas de l’avant trop rapidement dans leurs plans pour respecter les échéances établies par le fédéral. Le gouvernement pourrait à cette fin repenser les dates limites avec les provinces ou peut-être organiser une conférence nationale pour évaluer soigneusement l’état actuel de la stratégie de rétablissement, ainsi que les risques possibles associés aux échéances et à la voie à suivre.
Nous demandons plus particulièrement au gouvernement fédéral d’envisager de demander des évaluations d’impact pour toutes les aires de répartitions menacées et de pondérer avec soin les coûts et avantages avant d’approuver les plans provinciaux.
Sans sous-évaluer l’importance de la Stratégie de rétablissement du caribou, nous espérons que le processus soit réexaminé afin qu’il produise des résultats équilibrés qui intègrent entièrement les plus récentes recherches et reconnaissent la nécessité de pondérer tous les impacts, y compris ceux qui touchent l’économie et des milliers de travailleurs canadiens. Nous souhaitons sincèrement que le gouvernement fédéral envisage sérieusement d’ajuster la stratégie actuelle afin d’éviter d’infliger des dommages irréparables à notre industrie et à l’économie canadienne.
Sans processus clair ni résultats équilibrés, des emplois sont en jeu
Chers ministres, nos 230 000 employés en forêt et en usine, les centaines de milliers d’emplois indirects et les collectivités qui ont besoin de ces emplois écoresponsables impliquant une ressource renouvelable dépendent de notre collaboration à tous pour bien faire les choses.
Je serais heureux d’approfondir la discussion à ce sujet dès que possible.
Je vous prie d’accepter mes sincères salutations,
Derek Nighbor
Chef de la direction
L’Association des produits forestiers du Canada