Par Derek Nighbor, président et chef de la direction, Association des produits forestiers du Canada (APFC)
Canada 2020, un groupe de réflexion national de premier plan, a élaboré plus tôt cette année un nouveau plan stratégique postpandémie afin d’améliorer les perspectives des communautés rurales et des petites localités canadiennes.
Ce travail effectué sous la direction de Matthew Mendelsohn, membre confirmé du groupe, ne pouvait être plus à propos.
Les Canadiens qui vivent, travaillent et élèvent leur famille dans de petites localités, souvent éloignées des grands centres urbains, font face à des défis uniques lorsqu'il s'agit d'accéder aux soins de santé et au soutien en santé mentale, à Internet haute vitesse et aux possibilités économiques.
Ces difficultés sont amplifiées lorsque ces mêmes familles sont confrontées à une augmentation des coûts d'emprunt et des factures d'épicerie et de chauffage pendant l’hiver.
Dans ces communautés, les familles autochtones et non autochtones doivent non seulement faire face à des difficultés sociales et économiques, mais elles sont également les premières à constater les conséquences climatiques de l'aggravation des épidémies de ravageurs et de l’intensification des incendies. Chaque année, ces perturbations naturelles mettent en danger la santé, la sécurité et les infrastructures essentielles.
En raison de ces impacts réels, les solutions liées à la foresterie et aux produits forestiers ont été au cœur des récentes réunions internationales sur le climat et la biodiversité, en Égypte (COP 27) et à Montréal (COP 15).
Dans le récent rapport de Canada 2020, M. Mendelsohn note que les deux transitions qui s'opèrent dans les sociétés - vers la carboneutralité et vers le numérique - seront au premier plan du développement économique rural et communautaire au Canada dans les dix prochaines années. Selon lui, le Canada devrait s'attendre à une croissance et la planifier, et les décideurs devraient concevoir des programmes de manière à investir dans la qualité de vie et les atouts uniques des petites collectivités.
Nous ne pourrions être plus d'accord.
L'accès à Internet haute vitesse et la couverture cellulaire sont essentiels pour appliquer les nouvelles technologies innovantes en forêt et dans les usines afin de soutenir le rythme de la concurrence mondiale. Mais nous avons également besoin d’un accès numérique fiable pour attirer les travailleurs et leurs familles dans les communautés nordiques et rurales, non seulement pour qu'ils restent connectés, mais aussi pour qu'ils soient en sécurité.
En ce qui concerne la transition vers la carboneutralité, la foresterie canadienne a une longueur d'avance puisque les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de près de 70 % dans ses installations de fabrication depuis les années 1990. Il est possible d'en faire plus, et cela nécessitera un engagement renouvelé du gouvernement fédéral à améliorer l'accessibilité aux programmes de soutien à la décarbonisation et à s'assurer que les crédits d'impôt prévus dans le budget fédéral 2023 atteignent leur objectif. Il est crucial que ces incitatifs commerciaux soient bien ciblés, car les États-Unis ont adopté une loi sur la réduction de l'inflation, qui constitue une menace incroyable pour la compétitivité industrielle du Canada, bien au-delà du secteur forestier.
Sur le plan de l’aménagement des forêts, nous avons l'occasion d'en faire encore plus avec cette ressource durable pour subvenir aux besoins des Canadiens, pour accélérer la réconciliation économique avec les peuples autochtones, créer des forêts saines et résilientes à long terme et atteindre nos objectifs en matière de carboneutralité et de biodiversité.
Les avantages de la foresterie intelligente sur le plan climatique sont évidents. À mesure que les arbres poussent dans la forêt boréale canadienne, ils absorbent et stockent du carbone. Quand ils approchent de l’âge de 50 à 100 ans et plus, ils deviennent sensibles aux perturbations naturelles comme les infestations de ravageurs, les sécheresses, les tempêtes et le feu, qui libèrent le carbone dans l'atmosphère. Bien que ces perturbations naturelles soient normales, elles sont de plus en plus fréquentes et graves, ce qui augmente considérablement la quantité de gaz à effet de serre émise par les forêts canadiennes.
Nos aires protégées ne sont pas à l'abri de ce risque climatique croissant. Les épidémies de ravageurs et les incendies sont devenus si répandus que nos parcs nationaux sont désormais des sources de carbone.
Dans les forêts aménagées du Canada, nous pouvons minimiser ces perturbations grâce à une foresterie intelligente sur le plan climatique et renouveler nos forêts avec des arbres plus jeunes pour relancer le cycle de stockage du carbone, tout en transformant les arbres récoltés en produits de grande valeur à faibles émissions de carbone pour construire nos communautés et fournir des solutions de rechange aux produits gourmands en combustibles fossiles.
Parmi les nombreuses leçons que nous avons tirées de la pandémie, il y a l'importance d'avoir des ressources ici, chez nous, pour subvenir aux besoins de notre population, ainsi que des chaînes d'approvisionnement nationales qui fonctionnent quand nous en avons besoin. Nous devons accorder une grande priorité à la croissance durable de nos industries des ressources naturelles, afin de ne pas dépendre d'autres pays pour les biens et les fournitures de base et de générer une prospérité économique pour les travailleurs canadiens et leurs familles.
L'année 2023 nous accueille avec son lot de défis sociaux, économiques et environnementaux, mais nous savons que la foresterie intelligente sur le plan climatique peut apporter sa contribution au Canada.
En s’engageant à établir un plan clair pour la croissance économique du Canada rural et nordique, le gouvernement fédéral peut avoir un impact positif sur la vie des gens qui sont chez eux dans ces communautés.
Derek Nighbor est né et a grandi à Pembroke - au cœur de la vallée de l'Outaouais - et est président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada (APFC) depuis mars 2016. Il est fier de représenter le secteur des produits forestiers du Canada ainsi que ses travailleurs, ses familles et ses collectivités à l'échelle nationale et internationale.
En plus de son rôle à l’APFC, Derek Nighbor est représentant et conseiller de l'industrie auprès du Forum des Nations Unies sur les forêts et a été président du Conseil international des associations forestières et papetières (ICFPA) - une organisation regroupant des dirigeants du secteur de 28 pays. Il est également membre du conseil d'administration de FPInnovations, le principal institut de recherche du secteur forestier au Canada.